Centre d'Étude du Futur

Bonjour ! Il y a longtemps que l'on ne s'est vus ! La dernière fois, nous attendions tous deux la venue d'un bus, en échangeant des propos sous la pluie.

■ Effectivement ! Sauf que maintenant nous profitons de cet abri ainsi que d'un banc, comme vous pouvez le constater.

Oui et, en attendant que mon bus arrive, je vais m'asseoir à côté de vous. Ceci en espérant ne pas trop vous importuner. Car je vois que vous tenez un livre à la main.

■ Vous ne me dérangez nullement ! D'abord parce que notre conversation précédente avait été des plus amicales, bien que nos opinions m'aient semblé s'opposer sur bien des points. Ensuite, je dois avouer que la lecture de cet ouvrage m'exaspère de plus en plus. Les livres écrits par Klaus Schwab, réclament en effet une grande patience...

Encore lui ! Décidément, ce bonhomme vous obsède !

■ Disons plutôt qu'il m'inquiète ! Et son dernier écrit, lui aussi réalisé avec la collaboration de Thierry Malleret, ne peut guère me rassurer.

Pourtant, le titre que je lis sur la couverture de ce livre, semble éminemment prometteur : « Le grand récit. Pour un avenir meilleur ».

■ Klaus Schwab possède ces qualités propres aux vendeurs d'aspirateurs. Il pourra donc vous convaincre d'acheter un produit attrayant, mais se révélant par la suite mauvais à l'usage. Aussi  nous souffle-t-il immédiatement dans l'oreille ce que personne ne saurait refuser : la lutte contre le réchauffement climatique, davantage d'égalité, de justice fiscale, de coopération internationale ...

De fait, tout ce qu'il annonce là dans ces pages me paraît très positif. Pourquoi dès lors, lui prêter aussitôt des intentions malveillantes ?!

■ Parce qu'il y a deux façons de contraindre les hommes. Or, on ne peut plus utiliser cette incitation qui lançait chacun dans une consommation sans limites. Reste alors l'emploi de la manière disciplinaire. Dès lors, nous voyons à présent s'installer un régime coercitif. Et pareil programme liberticide, qui doucement se met en place, est actionné par la clique de Davos.

Et vous croyez que les gens accepteront, sans broncher, que l'on supprime ainsi leurs droits fondamentaux ?!? Mais, mon cher monsieur, nous vivons en démocratie ! La notion même de liberté se trouve profondément ancrée dans les mentalités, les mœurs, les institutions ! C'est pourquoi tout apprenti dictateur, fusse-t-il venir de Davos, court assurément à l'échec !

■ Les libertés publiques périclitent lorsqu'on déstabilise le socle sur lequel elles reposent. Il suffit simplement pour cela, de nier l'un ou l'autre principe essentiel contenu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce qui revient à neutraliser le fondement juridique de tous les États démocratiques: leur Constitution. Or, pareil évincement semble bien avoir lieu aujourd'hui.

Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez !

■ Je parle ici de ce prétexte sanitaire qui contraint par la peur, annule la libre circulation des personnes, empêche tout débat en censurant les opinons divergentes, crée une sous-catégorie de citoyens face à la loi, interdit à certains de ces parias indociles de travailler pour gagner de quoi vivre, encourage la délation, change les logis en autant de prisons, sépare les vieux de leur famille...

Nous sommes en guerre ! Et cette bataille contre le virus nécessite ce genre d'interventions. À situation extrême, mesures extrêmes ! Seules pareilles dispositions sévères peuvent arrêter cette pandémie mortelle. Le but consiste à sauver de nombreuses vies, quoi qu'il en coûte ! Mais, dès que le mal sera vaincu, les choses reviendront aussitôt à la normale.

■ On ne reviendra jamais à la situation d'antan ! Car si ce virus venait à disparaître, et pour maintenir un régime d'exception permanent, surgiraient alors d'autres calamités. Celles-ci pourraient prendre la forme d'épidémies diverses, d'un attentat terroriste d'envergure, de pénuries alimentaires mondiales, d'un conflit de grande ampleur, d'une crise économique dévastatrice ...

Ne pensez-vous pas que vous jouez là au prophète de malheur !?

■ Ne croyez pas cela. Même un danger de moindre importance peut traumatiser toute une population. Il suffit pour ce faire que gouvernements et médias entretiennent une dramatisation excessive de quelque menace relativement bénigne.

Mais pourquoi feraient-ils une chose pareille ? Quel intérêt y-a-t-il à susciter ainsi l'affolement général ?

■ Parce qu'il s'agit de créer un complet désordre, de plonger l'organisation sociétale et les individus dans une pagaille anxiogène. Et, comme toujours, semblables désarrois ouvrent grand la porte à l'un ou l'autre « sauveur ». Car lorsqu'il y a chaos, accidentel ou provoqué, celui qui fournit « l'alternative-miracle » se voit aussitôt ovationné.

Si je vous comprends bien, nous allons vers une sorte de dictature. Et ce, en prenant comme fallacieuse excuse de nous protéger contre des périls successifs.

Tout à fait ! Le but ultime étant d'abolir une à une nos libertés élémentaires, au profit d'une prétendue sécurité. Dans cette optique, même une catastrophe naturelle peut se révéler opportune.

Une telle stratégie ne fonctionnera jamais. Car un état d'urgence ne peut se maintenir très longtemps. Sinon, l'agacement des populations ira grandissant. Et les gens descendront dans la rue. Les gouvernements, s'ils veulent se maintenir, devront donc tôt ou tard relâcher la pression.

Cette minorité mondialiste veut gagner du temps. D'abord en jouant sur la peur, ensuite en promettant maintes bonnes choses. Ceci, en attendant le flicage technologique qui permettra une surveillance générale. À ce moment, les révoltes populaires deviendront impossibles. Car adviendra ce rêve de tous les tyrans : repérer, pour mieux l'anéantir, toute velléité d'insoumission.

Déjà, la fois dernière, je vous avais trouvé très pessimiste. Mais aujourd'hui, je vous trouve franchement catastrophiste !  

Il suffit de citer Klaus Schwab, pour décrire ce qui nous attend. Ainsi, à la page 98 du présent ouvrage, je lis : « La technologie rend nos moindres gestes faciles à suivre, et nous devons donc accepter l'idée que la vie privée n'existe plus : progressivement, nos données personnelles et professionnelles deviennent entièrement contrôlées, visibles par beaucoup, et donc transparentes ».

Effectivement, cet espionnage constant, avoué par ce monsieur Schwab, pourrait servir à  discipliner tous les comportements. Mais nous sommes en Europe ; pas en Chine ! Notre individualisme occidental ne se pliera jamais à cette philosophie asiatique prônant l'effacement dans le groupe. Assujettir ainsi les foules de chez nous, mentalement bigarrées, relève du délire.

Relisez donc « Le discours de la servitude volontaire », écrit par La Boétie ! Souvenez-vous aussi de l'expérience faite par Stanley Milgram ! Et de celle réalisée par Solomon Asch ! Grâce aux observations de tels témoins, on sait à présent qu'en chaque être humain sommeillent conformisme et soumission à l'autorité. Or, ces penchants s'activent sous l'aiguillon de tout pouvoir retors. 

Donc, d'après vous, existe en haut lieu une réelle volonté de nous transformer tous en moutons ! Et cette manipulation à grande échelle, parviendrait à son point culminant grâce la technologie ! 

Cela me semble évident en effet. Je pense même qu'un tel machiavélisme va se concrétiser au cours de ces prochaines années. Notamment, par l'adoption d'une monnaie numérique. Car la fin des paiements en espèces permettra la surveillance accrue de chacun. Tout ce que vous achèterez, fournira nombre de données pour cerner plus encore votre individualité.

Pour échapper à ce contrôle s'effectuant par le biais de nos achats, il suffirait simplement de se procurer des devises étrangères. De sorte que s'organiserait une véritable économie parallèle. On pourrait comme cela se payer bien des choses, en utilisant les billets de banque d'un autre pays.

Puisque tous les revenus seront numérisés, acheter des devises se révélera compliqué. Ensuite, semblable manoeuvre ne pourrait être que temporaire. Car le projet de numérisation des monnaies ne concerne pas seulement l'euro. Ainsi, dans une grande partie de la Chine, l'argent traditionnel n'existe plus. Et USA, Australie, Japon, Angleterre, Suède... planifient actuellement cette formule.

Comme la plupart des gens paient déjà tout ce qu'ils achètent au moyen d'une carte bancaire, je ne vois pas pourquoi il faudrait à ce point s'alarmer !?  

Sauf qu'il suffira d'une simple pression du doigt pour priver quelqu'un de tout moyen d'existence. En outre, à ce contrôle intégral de la consommation, s'ajouteront une identité numérique ainsi qu'un passeport sanitaire établi sur le même principe. Par conséquent, il faut plaindre les futurs opposants aux sévères normes sociétales qui s'annoncent. Car ils se verront détectés et punis très rapidement.   

Et quelles seraient donc ces despotiques règles comportementales que nous aurions à subir ?  

Le prophète Schwab, aux pages 17, 61, 177 de son livre, prévoit ceci : «... l'environnement est au bord de la catastrophe... nous avons atteint le point de non-retour... nous devrons, en tant qu'individu, consommer, voyager et manger différemment, c'est-à-dire d'une manière beaucoup moins intensive en carbone ». Après le joug sanitaire, viendront donc les coercitions écologiques.

Si j'analyse bien votre pensée, les mesures prises pour enrayer la pandémie constitueraient seulement un préalable. Après quoi, s'installerait un pouvoir absolu. Lequel se dirait alors légitime, car justifié par la sauvegarde de la planète.

Oui, mais la toute dernière étape sera celle effaçant l'imprévisibilité des individus, celle évacuant les attitudes non programmées, comme indiqué à la page 118 « ...lorsque notre ADN (c'est-à-dire notre code de vie) deviendra aussi lisible, inscriptible, utilisable et piratable que les technologies de l'information, nous serons à l'aube de quelque chose de bien plus grand que nous » !

Apparemment, Klaus Schwab se réjouirait ici d'un être humain bientôt totalement transformé par modification de ses gènes. Par contre, ce que je ne comprends pas dans cette phrase, c'est pourquoi semblable procédé attribuerait quelque grandeur à ses fabricants.

Parce que lui et ses pareils veulent modeler une autre humanité. Car, d'après eux, l'homme actuel est une erreur de la nature ! Dès lors, ils considèrent que pareille rénovation se révèle oeuvre singulièrement grandiose ! Or, justement, la grandeur se situe aux antipodes d'une telle prétention...

Là, vous piquez ma curiosité ! Pourriez-vous préciser votre façon de voir !?

Ces chauds partisans du transhumanisme espèrent vivre plusieurs siècles et se valoriser grâce à des artifices technologiques. Mais, pareilles survie et dénaturation s'opposent aux valeurs suprêmes nous extirpant de la médiocrité, nous entraînant plus haut que notre petite personne. Ainsi, affirmer « plutôt la mort que l'esclavage », authentifie pleinement cette invitation à la grandeur.

Peut-être avez-vous raison, mais semblable vérité n'intéresse pas grand monde. Par contre, les promesses transhumanistes séduiront la plupart des gens. Et votre vision des choses s'engloutira de la sorte : telle une goutte dans l'océan.

D'abord, je ne suis pas le seul à penser de cette manière. Ensuite, le pire n'est jamais certain. Mais surtout, dans ce combat, l'essentiel consiste moins à réussir qu'à sauver notre dignité... Je m'arrête ici car je vois arriver votre bus. Et ce serait vraiment dommage que, cette fois encore, il passe en trombe sans vous charger...

Gablou