Centre d'Étude du Futur

Bonjour ! On se retrouve une fois de plus ! Nous, les patients navetteurs. Nous, qui attendons sans trépigner la venue de notre bus.

■ Bonjour à vous aussi ! Et, comment allez-vous ?

Dans l'ensemble, tout va plutôt bien. Sauf que je suis aujourd'hui quelque peu ... perplexe ! Cela parce que les élections approchent, et que je ne sais absolument pas pour qui je vais voter.

■ Faites donc comme moi ! Voilà des années que je dépose, dans l'urne prévue à cet effet, des bulletins électoraux totalement vierges, voire que je griffonne sur ces papiers quelque remarque cinglante. Quoique, selon mon humeur, il m'est aussi arrivé de rester chez moi le jour du scrutin.

Mais, voter est un devoir citoyen ! Parce qu'il y a des gens qui sont morts pour cela, qui se sont sacrifiés pour que nous puissions vivre dans une démocratie comme la nôtre ! 

■ Les héros et martyrs dont vous parlez, sont morts pour que la liberté triomphe. Et certainement pas pour que nous puissions placer des baratineurs professionnels au pouvoir. Vous conviendrez dès lors qu'il s'agit là de deux visions totalement différentes du phénomène politique.                             

Vous n'aurez quand même pas le culot de contredire un homme comme Winston Churchill ! Lequel a dit naguère : « La démocratie est un mauvais système, mais la démocratie est le moins mauvais de tous les systèmes ».

■ En son temps, le bonhomme avait tout-à-fait raison. Mais cette époque, où le fascisme, le nazisme, le communisme stalinien menaçaient l'Europe, est révolue. Et, à présent, c'est précisément cette même démocratie parlementaire qui nous conduit vers une dictature d'un nouveau genre. 

En tous cas, ce qui me paraît certain c'est qu'en vous abstenant de voter, vous soutenez indirectement la faction majoritaire. En fait, vous prenez parti de façon passive ! Et ce n'est pas en vous défilant de la sorte que vous pourrez faire bouger les choses. C'est pourquoi certains n'hésitent pas à le dire : « Abstention, piège à cons ! ».

■ En finale, peu importe qui gagne ou perd les élections. Car, tous les enjeux majeurs qui façonnent notre existence se déterminent au niveau international. Et ce, par des puissants qui ne sont élus par personne. Aussi, puisque nos politiciens acceptent cette situation, et nous mènent vers la tyrannie mondialiste, l'adage « Élections, piège à cons ! » s'avère nettement plus pertinent.

Vous amplifiez les problèmes que causerait la mondialisation, tout en occultant les bienfaits procurés. Sous un tel éclairage, conforté par les affabulations complotistes, la classe politique trahirait le peuple pour servir ce projet mondialiste voulu par une poignée d'ultra- riches !

■ Cette trahison est pourtant évidente. Pour s'en rendre compte, il suffit de constater comment on vivait dans les années 1950, 1960, 1970. Puis, de faire la comparaison avec les difficultés que rencontrent les gens aujourd'hui. Par contre, dès la fin des « trente glorieuses », la fortune des nantis n'a cessé prodigieusement de croître. Et ce, avec l'aval des politiciens, de droite comme de gauche.

Supposons que vous ayez raison ; je dis bien, « supposons » ! Dès lors, répétons-le, ce n'est pas en vous abstenant de voter que vous pourrez changer ce système prétendument désastreux.

■ Au contraire ! Nous tenons ici le moyen d'arrêter le processus anti-démocratique en cours. Il suffirait pour cela que le nombre des protestations atteigne au moins 33%. Ceci grâce à des bulletins demeurés vierges, ou déclarés nuls, ou invalidés pour non-présentation. Le peuple marquerait ainsi son opposition, et sa lucidité, quant aux mensonges des intermédiaires qui prétendent le représenter.

Certes, vous pouvez signifier ainsi votre mécontentement. Mais, en agissant de cette manière, vous vous cantonnez encore et toujours dans l'impuissance !

■ Si seulement 2/3 des bulletins se révèlent conformes, les gagnants d'une pareille élection sont alors ces rebelles qui boycottent le scrutin. Parce qu'un parti politique atteint rarement un score supérieur aux 33% de toute la population en âge de voter. Et, pour gouverner, ce prétendu vainqueur doit alors former avec d'autres une coalition. C'est à ce moment qu'il faudra lancer une pétition.

Une pétition ?!?

■ Après semblable résultat contestataire du scrutin, une pétition récoltera sans peine de multiples signatures ; celles provenant surtout des nombreux « abstentionnistes ». On pourra donc, par ce moyen pétitionnaire, exiger l'organisation d'un référendum.

Un référendum ?!?

■ Édifier une démocratie véritable, se réalise par un tirage au sort. Seul le hasard désigne alors ceux qui débattront afin d'améliorer le bien-être de leurs concitoyens. Il s'agit ici de supprimer la caste politicienne, pour la remplacer par de modestes anonymes. Évidemment, mettre en route un tel processus libérateur nécessite l'accord préalable de la population. D'où ce référendum. 

Vous m'étonnerez toujours ! Car, si je vous comprends bien, vous allez priver de travail des gens qui, pour la plupart, exercent des mandats publics depuis de longues années. Et, à la place de ces professionnels aguerris, de ces spécialistes, vous comptez mettre en selle une ou plusieurs équipes composées d'obscurs amateurs. Comment diable un tel non-sens pourrait-il donner satisfaction !?

Un même politicien peut devenir ministre de l'enseignement, puis ministre de l'agriculture, ensuite ministre des affaires étrangères, voire terminer sa carrière comme ministre des finances ! N'est-ce pas de la sorte, se complaire dans une évidente non-spécialisation ?

On pourrait effectivement étiqueter un tel parcours, par l'emploi du terme « amateurisme ». Mais on doit aussi considérer que ces fréquents changements de casquette, demandent une souplesse certaine. Et, dans cette optique, détenir cette indispensable qualité démontre un professionnalisme de bon aloi.

Plutôt que d'ergoter sur les possibles compétences ou incompétences des politiciens, je préfère avancer un élément majeur quant à la supériorité d'un suffrage par tirage au sort. Ce sont en effet des gens désignés par le hasard qui, dès l'antiquité, fondèrent la civilisation occidentale. De fait, ce régime athénien d'autrefois, se trouve à l'origine de nos démocraties à présent bien falsifiées.

Sauf que la ville d'Athènes comptait à l'époque, tout au plus 8 000 habitants. Dès lors, comment pourrait-on de nos jours, reproduire semblable façon de faire société ? Comment des pays qui totalisent des citoyens par dizaines de millions, arriveraient-ils à s'approcher de pareil modèle !?   

Vous pensez sans doute à ces débats requérant une attention générale !? Dans ce cas, sachez que nous avons beaucoup de chance aujourd'hui. Car TV, radios, Internet, vidéo-conférences, permettent à tous de suivre en direct les prises de parole. Et maints spectateurs participeraient en envoyant des courriels. Je crois même que nous arriverions à faire mieux que les anciens Grecs !

Là, il me semble que votre optimisme vous joue des tours. Et que vous versez à présent dans une illusion certaine ! A vous entendre parler ainsi, on pourrait croire que nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle, d'un renouveau civilisateur supérieur à celui réalisé par ces Athéniens de l'Antiquité !

Ces derniers ont pourtant commis une erreur impardonnable. Parce que les femmes, ainsi que de nombreux autres habitants de la ville, ne possédaient pas le statut de citoyen. Ils ne pouvaient pas émettre d'avis, devaient opiner aux décisions prises sans eux. Or, une telle mise à l'écart revient à se priver de la pluralité nécessaire, de ce divers qui seul permet d'avancer vers la démocratie parfaite.

Il faut aussi prendre en compte le facteur chance. Car, si ces anciens Grecs avaient compté dans leurs rangs une majorité d'idiots, alors la suite eût été bien différente. Et ceci constitue un réel danger. Lequel risque bien d'anéantir tous vos espoirs de souveraineté populaire.    

Le quotient intellectuel est cette forme d'intelligence facile à mesurer. De sorte qu'une aptitude moyenne à raisonner, se voit attribuer le chiffre 100. Or, dans nos régions, environ 50% de la population fournit un tel score acceptable. Et seuls 25% des individus, n'atteignent pas le niveau moyen. Mais ce quota défaillant, se compense par les autres 25%, ceux possédant un Q.I supérieur.

Ce type d'évaluation est valable quand il s'agit de résoudre un problème de mathématique. Mais cette intelligence moyenne que vous attribuez au groupe, peut lui faire défaut. Car dans toute discussion présidant à l'organisation de la société, le facteur émotionnel prend souvent le dessus.

Sauf que le « tout vaut plus que la somme de chacune des parties ». L'intelligence collective en effet, dépasse les capacités de chaque participant. Or, pour arriver à pareil résultat, répétons-le, la plus grande diversité s'impose. Car si l'on trouve partout nombre de gens émotifs, d'autres par contre examinent froidement les problèmes, font preuve de la plus extrême rigueur.

Il faut aussi se dire que les individus, aussi rationnels soient-ils, subissent inévitablement l'influence du milieu dans lequel ils sont plongés. C'est pourquoi les gens continueront à voter, ainsi qu'ils le font de manière habituelle. Parce que la société les stimule pour agir de la sorte.

Aux dernières élections, en 2019, quelques 17% des électeurs, soit 1 million 300.000 belges, n'ont pas émis de vote valable. Et, parmi ces récalcitrants, nombreux étaient ceux qui ne se sont même pas déplacés ! Or, se présenter à l'isoloir est légalement obligatoire, et des sanctions existent ! Il paraît dès lors vraisemblable que, cette année, pareille contestation du suffrage dépassera les 20%.

J'ai l'impression que vous prenez vos désirs pour des réalités ! En tous cas, moi, je ne vois pas pourquoi le nombre des abstentions devrait encore augmenter.

Élections après élections, c'est pourtant ce qui se passe. Parce que les gens deviennent de plus en plus sceptiques quant aux discours qu'on leur tient. De plus, après le pénible épisode du virus covid-19, pareille méfiance a considérablement augmenté. Car, lors de cette crise sanitaire, grands médias, caste politique, monde scientifique, ont tous beaucoup menti.

De toute façon, vos beaux projets risquent bien de tomber à l'eau. Cela parce que vous vous heurterez à une barrière infranchissable. La constitution belge en effet, ne prévoit pas l'organisation de l'un ou l'autre référendum. Dans notre pays, ce type de consultation populaire n'est tout simplement pas permis par la loi !

Vous oubliez qu'il existe une « hiérarchie des normes juridiques » ! Aussi, toute forme de légalité nationale doit s'incliner devant certaines valeurs mondialement reconnues. Et l'instance suprême, inspirant moult lois majeures dans nombre de pays, s'intitule « Déclaration universelle des droits de l'homme ». Notre pays ne pourra donc pas rejeter pareille conviction démocratique fondamentale.

Inscrire ce référendum dans notre Constitution revient à modifier celle-ci. Et pour réaliser un tel remaniement, au moins 2/3 des parlementaires doivent marquer leur accord. Mais un tel « oui » de leur part, risquerait d'enclencher un processus qui, selon vos théories, pourrait les précipiter tous au chômage ! C'est pourquoi ils refuseront à coup sûr de prendre l'avis du peuple sous cette forme.

Dans ce cas, la situation deviendra parfaitement claire. Car tous ces politiciens montreront ainsi qu'ils tiennent à conserver leurs privilèges, qu'ils n'agissent nullement dans l'intérêt collectif, qu'ils sauvegardent le pouvoir de l'argent. Et alors, ce flagrant comportement liberticide sera la goutte de trop, celle qui fait déborder le trop-plein contestataire. D'où une probable révolution !

J'étais déjà très hésitant quant à voter lors de ces prochaines élections, mais, à vous écouter parler, je ne sais plus maintenant ce que je dois faire ...

Alors, ne votez pas ! Sortez de l'impuissance, essayez autre chose. Et ... Et je vous signale que votre bus arrive ...

 

Gablou