Centre d'Étude du Futur

   L’idéologie transhumaniste progresse à une vitesse vertigineuse et fait des émules partout dans le monde, jusque parmi nos élites politiques (Jean-Luc Mélanchon en France, Zoltan Istvan, candidat transhumaniste à la dernière élection américaine), nos intellectuels philosophes (Luc Ferry) et scientifiques (Laurent Alexandre qui vient de se déclarer, en octobre dernier, favorable au transhumanisme). Il est assez déconcertant de constater combien toutes ces personnalités, au demeurant très intelligentes, décrivent avec une naïveté quasi désarmante les bienfaits de la convergence NBIC (la convergence des Nanotechnologies avec la Biologie, l’Informatique et les Sciences Cognitives qui devra permettre, à terme, de numériser l’ensemble du corps humain pour substituer au corps biologique, un corps numérique à l’individu et lui permettre de vivre indéfiniment en bonne santé).

Peut-être Laurent Alexandre est-il le seul, parmi les chantres occidentaux de l’idéologie transhumaniste, à affirmer ouvertement que «Homo sapiens devient Techno sapiens au rythme insensé de la loi de Moore. » (Alexandre, L., [2014], Vaincre le cancer, La Flèche : J-C Lattès, p. 297). « La loi de Moore » est cette loi émise par Gordon Moore en 1965, jamais encore démentie à l’heure actuelle, qui affirme que la puissance technologique double tout les 18 mois. Aussi, le progrès exponentiel de la  puissance technologique nourrit dans l’imaginaire transhumaniste l’espérance réelle, voire rationnelle (car aucun de ces chantres ne se réclament de l’obscurantisme du moyen-âge, ni de la foi chrétienne souvent associée !) de l’avènement d’une nouvelle espèce d’homme : le Techno sapiens. Comprenez : la disparition de notre humanité biologique, l’Homo sapiens, en faveur d’un homme cybernétique, le Cyborg, ou le Techno sapiens. En d’autres termes, le transhumanisme est une idéologie qui prône, sans détour, la fin programmée de notre espèce, la mort de l’Homo sapiens !

 

Le plus curieux est que pratiquement aucun de ces penseurs, hormis comme je l’ai dit Laurent Alexandre, n’affirment ouvertement que l’Homo sapiens, c’est à dire chacun de nous (ces penseurs y compris), ne survivra à ce changement. Notre Humanité ne sera donc pas éternelle, contrairement à ce que prétendent les tenants de cette pensée, puisqu’il s’agira d’une toute autre humanité : l’Humanité 2.0, bien distincte de notre Humanité 1.0 qui sera morte ! C’est pourquoi le transhumanisme est fondamentalement un anti-humanisme et son imaginaire s’avère décidément « humain, trop humain » (Marie-Pravin ERTZ, 2016), c’est à dire qu’elle pense la nouvelle humanité avec les catégories de l’ancienne, à savoir la nôtre. Que sait-on des plaisirs du Cyborg, de ses fantasmes, de ses productions artistiques, de ses modes de penser, de sa manière d’appréhender le monde ? Rien ! Et personne ne peut le savoir puisque tous ces penseurs sont, sans exception, « Humains », biologiquement déterminés dans leur mode de penser, d’agir, de désirer, de jouir. Il est fort à parier que la nouvelle humanité sera très différente de la nôtre et que ses préoccupations seront bien distinctes des nôtres, de même que leurs organisations politiques, sociales, et leurs productions artistiques et culturelles. On peut évidemment avoir des raisons personnelles, compréhensibles, pour aspirer ainsi à tuer « l’Homo sapiens », mais il est intellectuellement malhonnête et totalement injustifié d’avancer masqué et de leurrer les consciences avec un discours inexact. Si les transhumanistes ont le droit de réclamer la possibilité de disposer de leur corps et de le modifier à l’envi pour une vie longue en bonne santé (oubliant au passage que ce ne sera pas eux qui seront en bonne santé, mais leur avatar !), nous avons aussi le droit de réclamer d’eux une plus grande honnêteté intellectuelle et une plus grande rigueur dans leur discours en assumant ouvertement leur désir d’extinction de notre espèce et leur volonté ferme d’opérer le seul et unique « grand remplacement »  que l’on peut aussi nommer à bon droit : le génocide programmé de l’Homo sapiens.

Car, rappelons-le, notre corps biologique ne peut vivre, approximativement, que 120 ans. Aussi, si une vie longue en bonne santé, sans fin assignable, devient une réalité, ce ne sera qu’au prix de modifications profondes, durables (forcément!) et radicales de ce corps biologique, de son génome, jusqu’à un corps entièrement numérisé. La personnalité d’un individu étant déterminée à 60 % par son génome biologique, le changement de substrat entraînera automatiquement et immanquablement une modification de la personnalité de l’individu dont on peut se demander s’il se percevra encore comme individu « humain » ou comme « autre chose » d’hyper-connecté, d’hyper-performant, d’hyper-savant. A mon sens, il me paraît plus que probable qu’il ne se considérera plus des nôtres. Sa supériorité en tout domaine fera de lui le maître incontesté, et incontestable, de la planète Terre, avec sans doute l’Androïde qui sera l’aboutissement de l’Intelligence artificielle. Nous assistons donc à un double mouvement inversé, comme le disait Raphaël Liogier : la subjectivation de l’objet (l’Intelligence artificielle qui ressemble de plus en plus aux humains) et l’objectivation du sujet (l’homme ressemblant de plus en plus à la machine, au robot : le Cyborg). Voilà le rêve transhumaniste : l’homme-machine et la machine-humanisée! Mais exit l’Homo sapiens !

On croyait avoir sauvé l’homme, mais on se réveille avec un cadavre ! De plus, tous ces penseurs majoritairement athées, pensaient en avoir définitivement fini avec l’idée de Dieu. Mais comble du malheur, voilà que la théologie des machines (Bruno Marchal, 1998) apparaît dans le Ciel cybernétique ! Non seulement l’homme est mort, mais Dieu reste vivant ! Décidément ils auront vraiment tout faux ces transhumanistes génocidaires de l’Homo sapiens !

Mais si ces machines découvriront à terme et avec une certitude inégalée une réalité dont ils ne pourront jamais dire ce qu’elle est, soit une transcendance absolue, alors nous, Homo sapiens, nous sommes bien en avance sur elles et nous n’avons rien à leur envier : car non seulement nous avons déjà la connaissance de l’existence de cet Être absolu, mais en plus, nous en avons eu la révélation, car « l’homme est capable de converser avec rien de moins que Dieu » (Ste Thérèse d’Avila, Le Chateau intérieur, I, §6) ! Aussi le transhumanisme, qu’il est urgent et impératif de mettre en débat, aura été, en définitive et à mon sens, un beau gâchis dans l’évolution humaine et une fameuse régression dans la pensée théologique et la connaissance de Dieu !

 

P. Marie-Pravin ERTZ.

 

Le « Grand Remplacement » est un concept forgé par Renaud Camus, juriste, licencié ès lettre et philosophe français,  désignant l’afflux massif de réfugiés en France dont l’effet sera, à terme, le remplacement de la population autochtone, blanche et de culture chrétienne, par les nouveaux arrivants en majorité musulmans. Cela se produira sans grand bruit, à la faveur d’une évolution démographique, les français de souche faisant moins d’enfants que leurs homologues réfugiés ou d’origine étrangère. En réalité, les réfugiés sont des êtres humains, au même titre que les occidentaux, et la culture qu’ils véhiculent fera certes évoluer la culture française, mais sans jamais la remplacer totalement. Ainsi en a-t-il été des régions où les occidentaux se sont installés, les pratiques profondes et traditionnelles autochtones ont certes connu une influence des nouveaux arrivants, mais ne se sont jamais totalement perdues : comme les sorciers en Afrique, les Chamans en Amérique latine ou dans d’autres régions du monde, le yoga en Inde. Tel ne semble pas être le cas du transhumanisme.