Centre d'Étude du Futur

En ces temps très particuliers de grands bouleversements internationaux culturels et civilisationnels, nous avons à faire preuve de prudence, nous, chrétiens, fermement attachés aux « Trois Blancheurs » décrites par saint Jean Bosco dans un rêve d’une profondeur théologique remarquable. L’Eucharistie, la Vierge Marie et le Pape demeurent pour nous les ancres fermes auxquelles nous pouvons fixer la barque de nos vies. Ainsi, fermement attachés à la foi transmise par les apôtres et explicitée en formulations dogmatiques par les différents Conciles au cours de l’Histoire de l’Église, en ce compris l’Infaillibilité pontificale, nous serons à même de discerner les dérives étranges de notre temps. Il s’agit bien de s’amarrer aux définitions précises des Conciles et non à leurs interprétations abusives ou excessives, comme cela a pu apparaître dans certaines circonstances au cours de l’Histoire. Le dogme de l’Infaillibilité pontificale ne fait pas exception et il n’est peut-être pas inutile d’en rappeler la véritable teneur.

Aussi, après avoir explicité précisément la définition conciliaire du dogme de l’Infaillibilité pontificale, nous verrons que tout l’édifice de la foi chrétienne risque de connaître une réelle obsolescence si l’Église s’engage avec légèreté sur le toboggan disruptif du transhumanisme, dont la finalité avouée est de favoriser l’avènement d’une ère nouvelle de notre Humanité : le Technocène.

 

1. Qu’est-ce que l’Infaillibilité pontificale ?

 Beaucoup de personnes ignorant la définition exacte, élaborée par le Concile Vatican I, du dogme de l’Infaillibilité pontificale, il n’est pas inutile de la rappeler. Le Concile Vatican I vota, le 18 juillet 1870, ce dogme en ces termes :

 

« Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l’Église, jouit… de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Église lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. »[1]

« L’infaillibilité ne joue que dans des conditions très restrictives. Il faut que le pape s’exprime comme pasteur universel : est donc exclue la prise de position sur des problèmes particuliers. (…) Il faut ensuite qu’il engage explicitement son autorité apostolique, celle qu’il détient comme successeur de Pierre : sont ainsi exclues les prises de position personnelles et les enseignements de circonstance, même très officiels comme les encycliques. Enfin, il faut que les « définitions » touchent à la foi et aux mœurs : sont ainsi exclues les questions politiques, ce que redoutaient les gouvernements de l’époque. »[2]

« À proprement parler, l’infaillibilité du pape n’a joué qu’une seule fois : pour la définition de l’Assomption de la Vierge Marie, à la Toussaint 1950. En réalité, la méthode a été exactement la même que pour le dogme de l’Immaculée Conception. Le pape Pie XII avait écrit à tous les évêques, en leur posant deux questions : « Est-ce que vous pensez que l’Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge puisse être proposée et définie comme dogme de foi et est-ce que vous, votre clergé et vos fidèles, vous désirez cela ? » Le Pape interroge donc sur la légitimité mais aussi sur l’opportunité d’une telle définition. Elle était demandée depuis longtemps. Elle était célébrée liturgiquement le 15 août. Elle découlait logiquement de l’Immaculée Conception. L’approbation fut donc très large. »[3]

 

C’est donc de cette manière, au demeurant très restrictive, que s’exerce l’Infaillibilité pontificale. Elle est bien loin de ce que la plupart des personnes, même catholiques, imaginent. Il est donc évident qu’en matière de santé, et en l’occurrence, quand un vaccin d’un type nouveau fait son entrée sur le marché de manière conditionnelle[4], le Pape ne peut en aucun cas engager son Infaillibilité. Il serait en outre pour le moins immoral de sa part de l’engager, étant entendu que ces vaccins sont toujours en phase de test jusqu’en 2022-2023, raison pour laquelle on ne connaît ni leur efficacité réelle et encore moins leurs effets secondaires à moyen et à long termes. Faire preuve de prudence en cette matière est, par conséquent, la manière la plus rationnelle et la plus sage d’être solidaire de son prochain. En faire la promotion, c’est créer un précédent pour les futurs médicaments et vaccins : ils ne devront plus passer par toutes les phases de sécurité. Les futurs générations seront dans l’obligation de participer, même à leur corps défendant, à une expérimentation scientifique, comme ce sera probablement le cas dans le Technocène que nous verrons plus loin. En tout état de cause, nier l’incertitude autour de ces nouveaux vaccins, c’est faire preuve d’un authentique « négationnisme suicidaire »[5]. L’appel à la vaccination de la part du Saint Père ne peut donc être qu’un point de vue personnel, certes autorisé et librement exprimé, mais qui ne peut faire l’objet d’une adhésion de foi de la part des fidèles puisqu’il ne répond en rien à la définition conciliaire de l’Infaillibilité.

En définitive, comme une grande incertitude plane sur tous ces vaccins en phase d’essai thérapeutique, l’Infaillibilité ne pourra jamais être engagée, moins encore lorsque ces vaccins ARN, véritables thérapies géniques, nous engagent sur le toboggan disruptif du Transhumanisme.

 

2. Qu’est-ce que le toboggan disruptif du Transhumanisme ?

La réaction de panique d’un grand nombre de parents, de grands-parents, et même de jeunes, en prise directe avec la souffrance d’un membre de la famille, voire son décès, est tout à fait compréhensible. La souffrance sur le terrain ne m'est pas étrangère, particulièrement sur le plan psychologique, étant moi-même psychologue, accompagnant de nombreuses personnes en souffrance.

L'expérience du terrain est importante, certes, mais la prise de distance et de hauteur l'est tout autant. Il nous faut étudier la carte, pas uniquement le territoire, pour comprendre la direction et le changement paradigmatique qui s'opère sous nos yeux. Pour avoir étudié le transhumanisme depuis 2013, pour avoir fait un mémoire de Maîtrise en Anthropologie sur ce sujet, pour avoir rencontré de nombreux transhumanistes et assisté à des colloques internationaux, je puis vous dire avec certitude que cette idéologie s'est aujourd'hui invitée, sans tapage médiatique, sur le terrain médical. Laurent Alexandre l'avait prévu, dans son livre « La mort de la mort » (2011) : ce sera par la thérapie que le transhumanisme s'imposera.

La première étape disruptive est l'arrivée des biotechnologies, prévues par Ray Kurzweil et Terry Grossman dès 2004, dans « Serons-nous immortels ? Oméga 3, nanotechnologie, clonage,… ». Avec le CRISPR-cas9 (les ciseaux génétiques dont les auteurs, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, ont obtenu le Prix Nobel de chimie 2020, donnant à penser l'orientation future de la médecine) et les vaccins ARN[6], nous sommes engagés sur la pente démiurgique de la modification de l'Homme. Klaus Schwab, dans « La 4ème révolution industrielle » (2016) prévoit, comme une des multiples mutations futures provoquées par cette nouvelle révolution, l'avènement de l’« Humain sur mesure » ! Ce ne seront plus des modifications génétiques pour les personnes en fin de vie, mais également pour les embryons, et les bébés à la carte (prévus par les GAFAM[7]).

La seconde étape sera l'arrivée des nanotechnologies dans le domaine médical : la finalité sera de remplacer les fonctions biologiques par des nanorobots injectés, par milliards, dans le corps[8]. L'Humain aura alors disparu pour devenir « Post-humain », finalité avouée du Transhumanisme. Qui résistera aux nanotechnologies, si on n'a pas été capable de s'opposer aux biotechnologies ?

Bref, accepter des thérapies géniques pour des personnes saines (puisque ce sont elles qui doivent bénéficier des vaccins), c'est consentir à la modification de l'Homme, et s'engager vers sa disparition prochaine dans le Posthumain. Prôner la vaccination génétique, sans en comprendre les conséquences disruptives futures, sans même proposer d'autres solutions thérapeutiques existantes (les interdisant même quelquefois), c'est faire preuve de légèreté et d'insouciance coupables.

L’Église ne peut être à la remorque du monde et se laisser conduire sans discernement, sans « voir » ce qui se passe, sans comprendre les dérives thérapeutiques et déontologiques actuelles (car les personnes vaccinées ne savent même pas qu'elles sont les cobayes d'une étude, est-ce légal ?). Elle ne peut se contenter d'adopter l'unique discours médiatiquement recevable : celui de l'émotion. Mais elle se doit d’étudier la marche de l’Histoire et les dangers irréversibles auxquels l’Humanité sera confrontée dans la nouvelle ère qui s’annonce : le « Technocène ».

 

3. Qu’est-ce que le « Technocène » ?

Sans tapage médiatique, nous avons quitté le Néolithique (12.000 ans d’Histoire !) durant ces 40 dernières années. Alors qu’en 1946, il y avait encore 46 % de la population française qui travaillaient au champ, ils ne sont plus que 7,1 % en 1982 et 1,5 % en 2019 ! La société est sortie de la paysannerie et elle n’y retournera plus. On ne verra plus de paysans dans les champs, mais des machines agricoles de plus en plus perfectionnées. Ayant quitté le Néolithique, nous avons du même coup quitté l’Anthropocène, c’est-à-dire la période où l’action de l’homme façonnait la Nature, avait un impact direct sur celle-ci. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une toute nouvelle ère de l’Humanité : le Technocène, ou l’ère de la machine et de la technique qui imprime de sa marque la Nature tout entière. Dans ce contexte, l’Humanité impose de moins en moins ses Lois à la machine. C’est la machine décisionnelle qui, grâce à l’évolution exponentielle de sa puissance, imposera progressivement, mais assurément, ses diktats à l’Homme. C’est pourquoi le Technocène sera, dans un avenir plus ou moins proche, l’ère de la « post-vérité », de la « post-médecine » et du « post-droit » :

La post-vérité sera la négation de l’intelligence humaine, de sa raison, de son bon sens, de sa logique, au profit de l’Intelligence Artificielle et de ceux qui s’y soumettront. Il s’agira d’une « vérité artificielle » qui exclura toute donnée sensorielle immédiate et toute étude de terrain, dont on affirmera le manque de scientificité ! On comprend dans ce contexte le conflit entre Big Pharma et les médecins de terrain.

La post-médecine[9] sera la « médecine 2.0 » que Big Pharma est occupé à imposer. Il s’agira de moins en moins de « soigner » l’humain, mais de plus en plus de le « modifier ». Les remèdes naturels seront confisqués au profit de remèdes artificiels de transformation de l’Homme et, in fine, du « Grand Remplacement » de l’Homo Sapiens par le Post-Humain. Comme l’annoncent Kurzweil et Grossman :

 

« (…) nous discuterons de plusieurs projets remarquables de Freitas pour le remplacement des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes de notre sang par des robots »[10]. Plus loin, ils affirment : « Selon un scénario hybride impliquant la biotechnologie et la nanotechnologie, on envisage de transformer les cellules biologiques en ordinateurs. »[11]

 

Mais pour mettre en place une telle médecine 2.0, il faudra passer outre des Droits Humains.

Le post-Droit sera l’obsolescence des lois anciennes au profit de nouvelles lois en faveur des nouvelles technologies et des modifications humaines. Il a déjà lieu actuellement puisque l’Ordre des médecins oblige les médecins, sous peine de poursuite et de sanctions très graves, à promouvoir le vaccin ARN, les mettant dans l’illégalité totale au regard de la loi du 22 août 2002, relative aux droits des patients. Comment informer les personnes si aucun médecin ne connaît ni l’efficacité réelle du vaccin, ni les effets secondaires à moyen et à long termes ? Il y a comme une obligation déguisée de participer à une expérimentation scientifique de masse. Cela ressemble affreusement à ce que la Direction Générale de la Recherche de l’Union Européenne dénonçait en 2008 dans le 6ème Programme-cadre, projet « Knowledge NBIC » :

 

« L’horizon normatif du Transhumanisme oriente en direction du renforcement indéfini de diverses capacités (…) rendant des personnes aux capacités normales ‘toujours déjà handicapées’. Ceci est renforcé par l’argumentation en faveur d’un ‘devoir d’amélioration’ et d’une participation obligatoire à des expérimentations scientifiques. Semblable vision du monde justifie une sorte de sacrifice de soi de l’humanité dans l’intérêt de quelque autre entité qui réaliserait plus complètement ce que nous valorisons le plus en nous, une idée du posthumanisme que l’auteur relie à une ‘théologie politique high tech’ et à la gnose technologique. »[12]

 

Dans l’ère du Technocène, les Droits de l’Homme seront obsolètes puisque l’Humain aura disparu dans une soumission totale à la machine…

En conclusion, l’Humanité vit une réelle disruption anthropologique et civilisationnelle, dont personne ne connaît l’issue finale pour Homo Sapiens. Dans ce contexte, le chrétien ne pourra en aucune manière faire appel à l’Infaillibilité pontificale pour conforter ses décisions personnelles, attendu que celle-ci ne concerne que les domaines de la Foi et de la Morale, une praxis proprement humaine. Or ces deux domaines sont balayés dans l’idéologie transhumaniste et l’entrée de l’Humanité dans le Technocène. Le Pape se trouve de facto dans l’impossibilité d’engager son Infaillibilité rendue caduque à l’ère de la « post-vérité », de la « post-médecine » et du « post-droit ». Il revient désormais à chaque homme et à chaque femme de bonne volonté de faire preuve d’intelligence et de bon sens, tant qu’il lui reste une once d’Humanité…

 

P. Marie-Pravin ERTZ.

 

[1]     Aleteia, Qu’est-ce que l’infaillibilité pontificale ?, https://fr.aleteia.org/2019/10/22/quest-ce-que-linfaillibilite-pontificale/ (consulté le 27 avril 2021)

[2]     Ibid.

[3]     Ibid.

[4]     AMM-conditionnelle, dont bénéficient les vaccins actuels, signifie qu’une Autorisation de Mise sur le Marché à été délivrée à ces vaccins sous condition de vérification de l’efficacité. Si il y a « condition », il y a donc incertitude quant à l’efficacité et aux effets secondaires indésirables.

[5]     Nom affublé par le Pape François aux opposants des vaccins. Vu sa fonction de guide suprême de la Catholicité, sa parole n’est pas neutre. Elle a pu exercer une influence, voire une pression, sur des millions de chrétiens de par le monde et exposer ceux-ci à des effets secondaires très graves, voire mortels pour un certain nombre. Une plainte a été déposée à son encontre par le Patriarcat Catholique Byzantin pour crime contre l’Humanité : cf. https://gloria.tv/post/HrD1XTBVjJb43iUmCVxpMPk7e.

[6]     L’ARN peut modifier le génome humain par l’enzyme appelée transcriptase inverse, découverte chez les virus en 1962 par Howard Temin et chez les bactéries, en 1972, par Mirko Beljanski.

[7]     Par la médecine prédictive, les géants du Web s’orientent vers la maîtrise et la manipulation du génome humain. À cette fin, Google a investi des millions dans la société biotechnologique 23andme, fondée en 2006 par Anne Wojcicki, ex-épouse de Sergey Brin cofondateur de Google, et spécialisée dans le séquençage du génome humain. Facebook poursuit le même but via son enquête baptisée « Gene or Good ». La course à la manipulation du vivant et la création de nouveaux-nés est lancée : « En décembre 2010, le Dr. Behringer du Anderson Cancer Center a réussi à produire une souris femelle à partir de cellules souches de type IPS provenant de deux mâles. Et cette petite souris, née de deux papas, est parfaitement fertile : elle s’est déjà reproduite. L’auteur de l’étude souligne que la transposition de cette technique à l’espèce humaine prendra quelques années, ce qui est très peu. La manipulation du vivant est décidément sans limite. » (Alexandre, L. [2011], La mort de la mort, Saint-Amand-Montrond : JC Lattès, p. 263).

[8]     Kurzweill et Grossman n’hésitent pas à présenter le projet transhumaniste de robotisation du corps humain de manière on ne peut plus claire : « (…) nous discuterons de plusieurs projets remarquables de Freitas pour le remplacement des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes de notre sang par des robots. Des analyses détaillées de ces projets démontrent que ces petits robots pourraient être des centaines ou des milliers de fois plus efficaces que leurs contreparties naturelles. » (Kurzweill, R. & Grossman, T., [2006], Serons-nous immortels ? Oméga 3, nanotechnologie, clonage,…, Malakoff : Dunod, p. 38). Et de renchérir : « selon un scénario hybride impliquant la biotechnologie et la nanotechnologie, on envisage de transformer les cellules biologiques en ordinateurs. » (Ibid., p. 41).

[9]     Il s’agit d’une médecine dominée par l’Intelligence Artificielle, fondée sur les données (le Big Data) sans lien direct avec le patient. Le Pr. Didier Raoult dénonce les dérives de cette médecine : cf. https://www.youtube.com/watch?v=UVmXvo1FMOc&t=12s

[10]   Kurzweil, R. & Grossman, T. (2006), Serons-nous immortels ? Oméga 3, nanotechnologie, clonage,… , Domont : Dunod, p. 38.

[11]   Ibid., p. 41.

[12]   Cité par Hottois, G. (2014), Le transhumanisme est-il un humanisme ?, Bruxelles : Académie Royale de Belgique, p. 22.